Licenciement pour motif économique : une appréciation stricte de la durée de la baisse du chiffre d’affaires

Dans un arrêt rendu le 1er juin 2022 (n° 20-19.957), la Cour de cassation apporte des précisions sur l’appréciation du motif économique de licenciement, lié aux difficultés d’une entreprise.

En l’espèce, une assistante au développement produit, entrée 35 ans plus tôt dans l’entreprise en qualité d’ouvrière en confection, est convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement économique. Passé le délai de réflexion relatif au contrat de sécurisation professionnelle, le contrat de travail est rompu pour motif économique.

La salariée saisit les prud’hommes, mais elle se fait débouter en appel. Les juges estiment qu’il « convient d’apprécier les difficultés économiques justifiant les mesures de réorganisation en fonction du nombre de salariés et à la date du déclenchement de la procédure ». Pour la cour d’appel, il fallait apprécier les difficultés économiques au moment de l’engagement de la procédure de licenciement collectif. À cette date, en 2017, seul le premier trimestre s’était écoulé. La cour d’appel s’est donc référée à l’exercice 2016. Avec un recul du chiffre d’affaires de près de 23 milliards d’euros par rapport à 2015, la « modeste augmentation » de 0,5% du CA au premier trimestre 2017 n’était pas, selon la cour d’appel, « suffisant pour signifier une amélioration tangible des indicateurs ».

Insatisfaite, la salariée forme un pourvoi en cassation. Elle estime que la cour d’appel a violé l’article L. 1233-3 du Code du travail. Celui-ci prévoit en effet que la « baisse significative » est constituée, dès lors qu’elle est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de 300 salariés et plus. Selon la salariée, la cour d’appel, qui avait constaté que la durée de la baisse du CA ne courrait pas sur quatre trimestres consécutifs, aurait dû déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Un raisonnement validé de bout en bout par la Cour de cassation, qui casse et annule l’arrêt d’appel.
Première sanction : elle commence par rappeler que pour apprécier le motif du licenciement, le juge doit se placer à la date de ce licenciement, en application d’une jurisprudence constante depuis les années 1990.

La Cour de cassation juge ensuite que la cour d’appel, en voyant que la durée de la baisse du CA n’égalait pas quatre trimestres consécutifs en comparaison avec la même période de l’année précédente, aurait dû constater que les difficultés économiques n’étaient pas caractérisées.

Une interprétation très stricte de l’article L. 1233-3 du Code du travail, qui encadre très étroitement les licenciements pour motif économique : il suffit que le CA augmente très légèrement par rapport à la même période de l’année précédente, même de 0,5% donc, pour que la justice considère que l’entreprise ne subit pas des difficultés permettant des licenciements pour ce motif.

Sources:

ISRH, Olivier HIELLE, Licenciement pour motif économique: une appréciation stricte du chriffre d’affaires, 10.06.2022

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